Réveillé à 1 h du matin, satané décalage horaire. C’est pour moi le pire désagrément à supporter lors d’un voyage. Interminable nuit, il faut absolument trouver une solution au plus vite. Chinatown au programme du jour, par bateau sur le fleuve Chao Phraya qui traverse Bangkok. Ce sont en général de longs bateaux et relativement étroit, qui sillonnent le fleuve, dans le but d’acheminer touriste et natifs dans divers quartiers de la ville.

Les siffleurs

Un joyeux bordel, est sans doute la meilleure façon de décrire cette expérience. L’embarquement à la première heure le matin reste acceptable, le gros de la foule n’est pas encore présent à cette heure-ci. Les passagers, de plus en plus nombreux au fil du parcours, embarquent et débarquent extrêmement rapidement. Et entre deux débarcadères, c’est un slalom permanent, auquel les pilotes s’adonnent avec délectation, entre accélération, priorité pas toujours évidente, ralentissement, manoeuvre d’accostage loin d’être toujours réussie et redémarrage en trombe. On embarque et on débarque par l’arrière, un matelot s’occupe de l’amarrage du bateau ainsi que la sécurité des passagers, et tout ici marche au sifflet. C’est de cette façon que l’on communique les manœuvres à effectuer entre l’arrière et l’avant avec des sons différents. Certains « siffleurs » talentueux en ont fait un véritable spectacle, très apprécié des touristes. Cette façon de faire fonctionne relativement bien, même s’il y a parfois des ratés. Il arrive malgré tout que le pilote manque son accostage, ce qui provoque comme souvent chez les Thaïlandais un fou rire communicatif.

À condition que les sites à visiter ne soient pas trop loin du fleuve, le bateau est sans nul doute le moyen le plus agréable pour se déplacer. Et les curiosités ne manquent pas.

Le fleuve Chao Phraya à Bangkok / Cliquez sur une image ci-dessous pour agrandir

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Chinatown

Je débarque à Rachawongse, porte d’entrée de du quartier chinois depuis le fleuve Chao Phraya. Puis c’est la gifle. Quand on habite comme moi un petit hameau d’un petit village des Alpes françaises et que l’on se rend pour la première fois dans un pays tel que la Thaïlande, et qui plus est sa capitale Bangkok, il y a là de quoi se sentir dépaysé. Mais en entrant dans le quartier chinois de Bangkok, on débarque littéralement sur une autre planète. C’est un quartier plutôt vieillot, limite délabré à certain endroit. Le long des bâtiments, de haut en bas, d’immenses panneaux publicitaires chargés de sinogramme semblent accrochés au ciel. Cet endroit grouille de monde de toute part. Difficile, voir impossible parfois de se frayer un chemin sur les trottoirs. Ils sont pleins à craquer de toute sorte de marchandise et débordent largement sur la chaussée. Parmi les plus petites boutiques, certaines d’entre elles occupent l’équivalent de 2 m3, tenancier compris ! Perpendiculaire aux grandes artères, de minuscules ruelles, avec de part et d’autre des milliers de petits commerces hétéroclites. Des stands de nourriture foisonnent dans tous les sens, dans un mélange de senteurs parfois attirantes, parfois moins. Certain vendeur somnole sur leur paquet, voir à même le sol en attendant le chaland. Certaines scènes me rappellent « le Lotus bleu » de Tintin, la circulation et la pollution en plus. Un vieil homme, accroupi devant son échoppe, fait la démonstration d’une machine à coudre électrique portative. Son job consiste, tel un automate, à appuyer sur un bouton pour actionner la machine, et ainsi en faire la démonstration. Je repasse 1 h 30 plus tard devant le vieil homme, toujours aussi concentré à appuyer sur le même bouton de la même machine à coudre, à la différence près qu’il se tient maintenant debout. Ce vieux monsieur semblait se satisfaire de son sort et c’est heureux.

Il y a aussi de nombreuses boutiques exclusivement dédiées au commerce de l’or sous forme de bijoux. Ces derniers sont vendus, achetés, échangés, marchandés apparemment entre Chinois le plus souvent. Des étales entiers sur des dizaines de mètres sont recouverts d’or. Il y a parfois plus de vendeurs que de client.

Chinatown / Cliquez sur une image ci-dessous pour agrandir

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Un tel capharnaüm, une telle frénésie d’agitation, de mouvement, de cris, de musique, de fumée, d’odeur, me fait me sentir mal à l’aise, je dois le dire. Cet amoncellement de marchandise, cet empilement d’êtres d’humain ne m’émerveille pas vraiment. Une autre pensée me vient à l’esprit en parcourant ce que je souhaite appeler un chaos de l’humanité : tout, absolument tout ce qui est à vendre ici, excepté l’or, se retrouvera un jour ou l’autre, tôt ou tard, sur un immense tas d’ordures dans le meilleur des cas, et dans le pire des cas, c’est la nature qui en héritera.

Je marche énormément lorsque je suis dans une ville. Sauf, bien sûr, pour les très longues distances. Mais à trop marcher, une vieille douleur dans le haut de ma cuisse droite se réveille. C’est le résultat de nombreuses courses à pied en montagne. Certains souvenirs douloureux pour l’esprit ont la politesse de s’effacer, ou tout du moins de s’estomper avec le temps qui passe. Mais la montagne est visiblement plus tenace que le temps qui passe.

Je fais le chemin du retour par le même moyen de locomotion, soulagé de m’éloigner de ce trop-plein d’humain. Mais le fleuve m’apaise. La vitesse du bateau rafraîchi quelque peux mon visage pas encore habitué aux morsures du soleil d’Asie.

Sur le chemin de l’hôtel, je mange quelques plats thaïlandais en mode « street food » absolument succulent. Le cuistot prépare la nourriture à l’arrière de son pick-up. J’ai grand-faim, et ne me prive pas d’avaler de nombreuses assiettes sur une table en plastique branlante, pressé contre le pneu arrière du pick-up. Il y a foule à patienter avant de se faire servir. On se presse pour venir manger ici. Extrêmement mal installé, sans confort contre ce pneu, je ne réalise pas encore que je suis en train de manger la meilleure cuisine de tout mon voyage.

Ce plongeon dans le bouillon humain de Chinatown m’a littéralement exténué. Je me prélasse et me délasse dans la piscine sur le toit de l’hôtel en sirotant quelques bières locales.

Le muezzin de la mosquée toute proche lance dans l’air du soir son appel à la prière. Pas d’autres choix que de l’entendre, là dans ce pays tranquillement bouddhiste.

De la fumée noire monte dans le ciel à quelques pâtés de maisons de mon hôtel. Les pompiers sont rapidement sur place. J’apprendrai le lendemain qu’un amas de fils électrique s’embrase de nouveau. Routine.

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