Hmong Doi Pui Village-Thaïlande

Je suis parmi les premiers, tôt ce matin, à entrer dans un petit musée sur la vie ancestrale de la région de Chiang Mai. Sans grand intérêt, mais une affiche fait la promotion d’un « vrai » village ancestral dans les montagnes : Hmong Doi Pui Village. Présenté sur les cartes comme un village traditionnel de la tribu Hmong, bien que sur place, les différentes explications portent sur la tribu Lisu, une autre composante des tribus des collines, présentes dans les montagnes du nord de la Thaïlande.

Ce village est, apparemment, très prisé des touristes. De nombreux songthaews sont dédiés à cette destination, située à environ 25 km de Chiang Mai. Le joyeux bordel de l’embarquement s’organise tout doucement. Je négocie une place à l’avant pour échapper aux gaz d’échappement. Les autres passagers et moi-même prenons place dans l’un des véhicules, et alors que nous sommes prêts à partir, nous devons en changer pour je ne sais quelle raison logistique. Le tout, sous les injonctions des chauffeurs qui s’énervent quelques secondes puis rient aux larmes la minute suivante. Nous démarrons enfin pour aborder rapidement les premiers lacets dès la sortie de la ville. J’apprécie les villes de taille moyenne, où la pleine nature n’est jamais très loin. 

Au bout de 45 min environ, nous arrivons à destination. La place principale de ce village est rouge de songtheaw manœuvrant dans tous les sens. Une famille française qui  a fait le voyage à l’arrière est soulagée d’arriver à destination. Ils sont tous plus ou moins nauséeux. Comme je les comprends! 

Le village est accroché à flanc de coteaux. La partie basse fourmille de monde. Cela ressemble davantage à une foire, tant les commerçants sont nombreux à tenir boutique et autre stand ambulant. J’aperçois plus haut quelque chose qui ressemble beaucoup plus à ce que je m’attendais à voir ici. Je m’y dirige instinctivement, je préfère l’authenticité à l’artifice. Passé les dernières boutiques, je suis le seul touriste à vagabonder sur la petite route étroite qui sinue à travers ce village. Je comprends rapidement la raison, je ne suis pas sur la bonne route, celle dédiée aux touristes. Tant mieux, il est bon de se perdre de temps à autre.

La route s’élève doucement parmi les maisons. Ce sont de simples bicoques en bois, recouvertes de tôles vertes pour la plupart et rouillées pour les plus anciennes. Je ne croise que peu d’habitants, je suppose qu’ils sont plus bas dans les boutiques. Plus haut encore, c’est une simple piste de terre battue qui fait suite à la route. Les habitations se raréfient, s’espacent entre elles. Il y a quelques chalets qui me rappellent mes Alpes natales. Ne manque que quelques sapins et l’on s’y croirait, d’autant que l’altitude est là : 1260 m pour la partie basse. Au sommet, un Lodge construit de façon traditionnelle, les murs sont en bambous et les toits recouverts de ce qui semble être des feuilles de palmier, assez présent aux alentours. Une pièce commune fait office d’accueil et de bar-restaurant. Autour, de simples bungalows, également en bambou, abritent les hôtes. Très belle vue sur le village en contre bas et sur les alentours. Bel endroit, dommage que des bâches de plastique de toutes les couleurs pendouillent lamentablement de-ci, de-là. Mais dans l’ensemble, c’est très acceptable, j’aimerais y passer une nuit au moins. Plus loin, je  me pose à une table devant ce beau panorama. Enfin un peu d’authenticité dans cette échoppe familiale. Je déguste un merveilleux « butter honey », sorte de biscuit moelleux au miel, accompagné d’un excellent café, dont les grains poussent aux alentours, et s’arrêtent juste devant ma table, face à la vallée. La torréfaction se fait sous les yeux des clients, par le patron lui-même. Ce lieu est, et de très loin, non seulement le meilleur emplacement du village, loin de la foule irrespirable restée en bas, mais aussi le plus en harmonie avec son environnement. Ce sont des gens d’ici, ils transforment et vendent des aliments produits ici.

À l’arrière de ce commerce, un grand champ de fraise en escalier marque la fin de ce village. Au-delà, une forêt, impénétrable, s’étend à perte de vu.

J’entame la descente vers le « monde », par le chemin officiel, presque réconcilié avec ce lieu. La nature est mise en scène tout au long du chemin. Je traverse un jardin extraordinaire. Les arbres en fleur abondent sur mon passage, c’est un véritable feu d’artifice végétal. Plusieurs bassins, creusés à même la roche, retiennent l’eau, et permettent l’alimentation du village en contrebas. Des enfants jouent bruyamment dans l’un de ces bassins qui leur sont dédiés. Sur une plateforme cernée de fleurs, des habitants du village sont habillés de façon traditionnelle, magnifiquement travaillés, aux couleurs chatoyantes, et se mettent en scène dans le but de se faire photographier par certain touriste. Il est également possible, contre quelques Bath, de revêtir ces vêtements et de poser soi-même pour la photo.

Avant de revenir dans la fourmilière, je visite un petit musée sur la vie des villageois de la tribu Lisu avant l’avènement du tourisme. Construit de façon traditionnelle, murs en bois et bambou, et recouverts de branche de palmiers, l’intérieur est en terre battue. L’âtre pour cuire les aliments se trouve au milieu de l’habitation. On pense que la tribu Lisu était des nomades venus du Tibet. Les remous de l’histoire les ont doucement amenés dans les montagnes du nord de la Thaïlande.Ils ont longtemps vécu de l’agriculture, notamment du riz, mais également de la culture des fruits et des légumes.

Depuis quelques années, le tourisme de masse a profondément bouleversé cette peuplade, qui vivait en harmonie avec la nature. Leur asservissement au rouleau compresseur touristique ressemble davantage à de l’aumône. Ce village, jadis authentique, n’est qu’un théâtre. La pièce que l’on y joue chaque jour n’est qu’une démonstration du déclin de cette peuplade, comme tant d’autres sur la planète, en train de basculer inéluctablement dans le monde globalisé. Le grand lissage est en marche.

Des la sortie de ce musée, me revoici de retour au 21e siècle. Le choc est rude. Ce qui reste d’authenticité de ce village se situe sur la partie haute, et il n’y a en fait que très peu de monde, alors que le bas , qui ressemble davantage à une foire, regorge de monde. J’aimerais comprendre un jour pourquoi la majorité des gens se pressent dans les boutiques, s’acharnent à vouloir acquérir à tout prix des objets, des babioles, des souvenirs, fabriqués en Chine pour la plupart, qui ne leur procure du plaisir seulement au moment de l’achat. Le déclin a gagné les esprits.

J’ai envie de fuir. Et c’est ce que je fais. Je recherche un songtwea pour regagner Chiang Mai. Je monte à l’avant de l’un d’eux. Le conducteur, un vieux monsieur, est tout d’abord très silencieux, presque froid. Je tente d’amorcer la conversation en parlant de la foule dans ce village. Il me regarde, me sourit, et me dit qu’il y a effectivement beaucoup trop de monde, comme sur trop de sites de la région qu’il côtoie. Les points de vue communs rapprochent les gens, et nous discutons à bâton rompu jusqu’à la grande ville. Je suis quelque peu soulagé de constater que certains ici ont conscience de l’afflux incessant de touriste. Et que ce phénomène n’est finalement peut-être pas si bon que cela.

Dernière soirée dans ma ravissante auberge à Chiang Mai. Les gens parlent de plus en plus de ce virus qui à semble-t-il à vu le jour en Chine, non loin d’ici. Certains s’inquiètent, donc à surveiller…

Demain l’avion à nouveau. Plein sud pour la province de Krabi.

Thaïlande

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