Voyageur-Solaire

Elle était absolument charmante. Elle me dévisagea des heures durant. 

J’étais en voyage en Nouvelle-Zélande. Je traversais l’île du Sud en train, de Greymouth à Christchurch en franchissant de sublimes montagnes du côté d’Arthur Pass. Dieu merci la folie des trains à grande vitesse n’avait pas encore atteint cet endroit. Le hasard nous avait placés l’un en face de l’autre, côté fenêtre. Oui absolument charmante était cette fille, très légèrement plus jeune que moi, je pense. Relativement grande, une longue chevelure blonde reposait sur ses fines épaules. Je devinais un corps parfait. À travers ses grands yeux bleus, je pouvais lire en elle : bonne famille, bonne éducation, bon diplôme, sportive, aventurière, déterminé. Elle m’avait choisi. Trahi par mon accent français des quelques mots échangés avec le personnel du train, elle savait d’où je venais. Le charme à la française marche encore en pays Kiwi. Moment magique où aucune conversation ne s’engage, si ce n’est du regard. De temps à autre, je prenais de grandes décharges électriques dans tout mon corps tant son visage et tout son être me traversait. À l’extérieur du train, la Nouvelle-Zélande déroulait ses splendeurs, idem à l’intérieur.

Je savais que l’arrivée du train en gare de Christchurch allait faire deux déçus. Ma timidité m’avait empêché d’engager toute conversation. Je descendis le premier et je la sentis m’emboiter le pas. Je marche lentement sur le quai pour ne pas avoir l’air de fuir. Je m’arrête quelques instants et fais mine de chercher mon chemin. Arrivée à ma hauteur, la fille aux cheveux clairs me surprend par ses quelques mots : 

— Je suis sûr que tu ne sais pas où dormir cette nuit !

Quelques semaines avant mon départ de France, j’avais rencontré une fille. Nous étions donc officiellement « ensemble ». Le cœur fidèle que je suis répondit la chose suivante à la belle inconnue :

— Bien sûr que si, j’ai réservé une chambre dans une auberge près d’ici.

Puis de rajouter sans réfléchir :

— Il y a aussi ma petite amie qui m’attend, en France.

Il suffit de ces quelques mots pour voir son visage se transformer. Je pouvais y lire une grande déception. Les flammes de son regard s’éteignirent brutalement. 

Elle s’excusa puis disparut dans la foule. Un grand désarroi s’emparait de moi. Un vide immense me donnait le vertige. 

J’en ai l’intime conviction aujourd’hui, au-delà d’une simple coucherie de passage, une belle chose aurait pu naître dans ce train, sur ce quai de gare. 

Les tout derniers jours de mon voyage en Nouvelle-Zélande, les communications s’espaçaient avec ma compagne en France. La veille de mon départ, elle m’avoua vouloir rompre et qu’il me fallait rencontrer le même pigeon voyageur que moi, car elle ne supporterait pas les longues absences.

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